Lee Bul
Musée d’art moderne et contemporain, Saint-Étienne Métropole
Depuis mes premières rencontres avec les travaux de Lee Bul au début des années 90 alors qu’elle était très jeune et encore peu connue, j’ai le sentiment que cette artiste intériorise de façon totalement personnelle l’ensemble de l’héritage gigantesque, lourd et en même temps fascinant de la modernité, donc la croyance dans l’utopie, la conviction inébranlable que l’utopie chosifie et rend possible l’idéal, la perfection, l’humain et le surhumain, le dépassement des limites de l’humain. Elle en fait le centre de sa démarche. Cela donne à son travail un sérieux inhabituel, presque triste bien que la sensualité radicale, l’utilisation provocatrice, novatrice des matériaux, la confrontation ironique entre la réalité virtuelle de la science-fiction et la culture de masse postmoderne pourraient suggérer une certaine légèreté. Mais son parcours la mène vers d’autres domaines. Lee Bul intériorise l’utopie comme quelque chose de douloureux, triste, fatal car elle reconnaît et perçoit sans doute que l’utopie est toujours et principiellement irréalisable, introuvable, inconcevable et déracinée. Tout juste une construction intelligible qui ne peut pas avoir de lieu, de place, de matérialisation réelle, vraie, concevable et saisissable. L’utopie reste idéale, maximaliste, sans compromis, entière, non fragmentée car elle est utopie. Cette expérience livre le fil narratif des créations de Lee Bul dès le début sachant que la contextualisation de cette saga personnelle relie son travail toujours plus profondément, plus vastement, plus intensivement aux références éloignées et complémentaires. [Laurent Hegyi]
Semaine n°382, revue hebdomadaire pour l’art contemporain
Auteur : Laurent Hegyi
Parution vendredi 13.03.2015
Édition numérique, fichier epub compatible Ibooks et Publiwide reader, 1,79 € commandeR
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