Alexandra Sà, Parallaxe

Exposition du 11 mars au 25 avril 2011.

Conversation entre Alexandra Sà et Gwénola Ménou à l’occasion de l’exposition :

Le titre Parallaxe est-il spécifiquement attribué à l’exposition dans le contexte du lieu d’Analogues ou fait-il plus directement référence aux œuvres ?
Aux deux d’une certaine façon car le mot « Parallaxe » signifie la modification du regard sur un sujet dû à un déplacement, ainsi que la différence de perception d’une même réalité. Ces œuvres auront une autre résonance ici, dans la maison d’édition, lieu de travail, que dans la galerie qui les a précédemment accueillies. Au niveau du sens donc, ainsi que par leur présence puisqu’elles occuperont une grande partie de la pièce centrale d’Analogues et le spectateur éventuel, toi ou vous qui y travaillerez allez porter un  regard légèrement modifié sur cet espace.

Une grande partie de ton travail est traversée par le mouvement. C’est d’ailleurs Daniel Dobbels qui t’avait invitée au Forum de Blanc-Mesnil. Quel est ton rapport à la danse ?
J’entretiens une relation étroite avec la danse par la pratique et par la fréquentation des spectacles depuis toute jeune. La danse (contemporaine peut-être davantage) permet des diversités d’attitudes, de qualités de corps. Le rapport  des corps à des espaces, le mouvement, est important dans mon travail. « L’espace est un lieu pratiqué » Michel de Certeau (L’invention du quotidien, 1990) . J’ai fait des performances en extérieur, seule, dont j’ai des traces photographiques, des vidéos, des performances avec des danseurs et du public, dans un souci, je pense, d’ouvrir ces différents corps à différents espaces et temporalités. Depuis quelques temps, j’ai élargi cette recherche à d’autres médiums, je cherche des dynamiques, je cherche à  ce que mes sculptures aient leur propre rythme : clignotement lumineux, déplacement, manque (creux), accumulation en équilibre fragile, chute, pluie intermittente de confettis, étirement…

Le mobilier est également présent dans certaines œuvres. N’y a-t-il pas un lien direct avec la question du mouvement à travers celle du comportement des corps face à un objet qui est leur est désigné ?
Oui dans cette nécessité d’exploration et de décalage souhaité de l’usage des objets, des lieux quotidiens. « Après avoir utilisé son propre corps comme matière expérimentale, c’est aujourd’hui l’ensemble du réel qui est appréhendé  comme « extension de son corps percevant » Céline Poulin. Le mobilier parle du corps, en creux.

Paradoxalement, le mouvement de l’air arrête celui de la chute d’Yves Klein dans En suspension qui est présentée dans l’exposition chez Analogues. Maëlle Dault évoque dans son texte publié dans ton catalogue ton travail sur les chutes, peux-tu nous en dire un peu plus ? Il s’agissait de performances ?
La notion d’équilibre m’intéresse, le point de rupture, le moment où les éléments peuvent rompre, lâcher. Dans mes vidéos animées, le corps courant jusqu’à chuter, était légèrement suspendu lui aussi (15 images seconde environ, donc un mouvement légèrement saccadé) dans un élan déplié puis rattrapé par l’apesanteur. Le rendu est celui d’un dessin animé. La projection en lumière fait disparaître le cadre de projection. Il s’agit donc d’un corps  sans contexte, si ce n’est celui du mur. Ce corps qui s’élance et tombe perd sa maîtrise, échappe. Je cherche à montrer ces moments d’échappement fugaces de la matière, des corps.

Comment a été réalisé Ërotic/Citroën ?
La marque, la force du logo, si présent dans nos paysages, dévorait l’espace face au lieu d’exposition. Il était incontournable. Je travaillais sur ce contexte : le Pavillon à Pantin (le lieu d’exposition), ses alentours. L’anagramme s’est imposée assez naturellement. Le mot manipulé est placé au même endroit que la marque. On peut alors en déduire qu’il devient lui aussi marque, logo mais sans image attenante. Libre cours à l’interprétation de l’érotisme. Des corps, des érotismes. Le projet d’une affiche 4×3 insérée dans un encart publicitaire de la rue n’a pas pu se réaliser. Nous avons donc fait un grand tirage à l’échelle d’un des murs intérieurs du Pavillon, et l’avons placé en regard de Citroën. Le spectateur montant les escaliers voyait simultanément Ërotic/Citroën.

La sculpture Diswork quant à elle implique une certaine approche du travail et du fonctionnement. La percée, une table perforée en faisait autant. Est-ce une approche physique de la notion de travail, liée à la sculpture et au mouvement, ou une position plus sociale ?
Les deux je pense. Je pense qu’on pratique un espace, des objets, ils sont chargés et ils se chargent. « La question est de savoir comment un objet dans l’espace peut devenir la trace parlante d’une existence… » Maurice Merleau-Ponty (Phénoménologie de la perception, 1944). Les objets sur lesquels j’ai travaillé se rapportent à un usage défini, très standard. La table de conférence, de réunion, peut transpirer l’ennui, le geste compulsif qui l’évacue, le corps immobilisé, contraint. La matière fuit. Il y a dans tout ça une certaine conscience des dysfonctionnements et une expression de ceux-ci dans l’objet : il se troue, il s’éparpille, il déborde de son cadre étroit, il s’échappe, ou bien comme Diswork, érigé en icône, en slogan autoritaire, il s’emballe et grésille.

Alexandra Sà est née en 1967. Elle vit à Paris.

Analogues, 67 rue du Quatre-Septembre, 13200 Arles, France.
Horaires de bureau et sur rendez-vous : +33 (0)9 54 88 85 67.

 

Catégorie: Galerie quatre

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