Lara Almarcegui, Franck Bragigand, Baptiste Debombourg, Vincent Mauger
Chapelle des Pénitents, association La Cit, Aniane
exposition du 17 octobre 2009 au 22 novembre 2009
À l’occasion de cette nouvelle exposition, la Cit réunit quatre artistes interrogeant habituellement chacun à leur manière l’espace qu’il soit bâti, déconstruit, abandonné, vacant, occupé, détourné.
Donner les couleurs de l’art au monde, telle est la mission que s’est fixé Franck Bragigand, né en 1971 à Bettwiller (Bas-Rhin) et vivant à Amsterdam (Pays-Bas). À l’origine : la peinture, non plus apposée sur la toile mais sur les objets qui nous environnent. Il redonne ainsi une seconde vie à des meubles, ustensiles et bibelots, récupérés çà et là et repeints par l’artiste. À Amsterdam, Osaka, Québec, Kyoto, Montréal ou Strasbourg, ses interventions occupent aussi l’espace public : bureaux, bars branchés, hall d’école maternelle, jeux d’enfants, plaques d’égout, mobiliers urbains, façades de maisons individuelles, deviennent pour l’artiste autant d’actes artistiques s’inscrivant dans une nécessité citoyenne de donner à voir le monde autrement. À Aniane, l’artiste a imaginé la dépose d’objets récupérés à Amsterdam. Au coeur d’une des chapelles, assemblés sous le titre Jour de fête, leur ronde colorée se présente comme une offrande anticonsumériste, mêlant joyeusement l’objet de culte aux objets du quotidien.
Baptiste Debombourg, né en 1978 à Lyon et vivant à Paris, dessine, prend des photographies, réalise un film ou sculpte, et emprunte à notre quotidien sa matière première, guidé par un puissant désir d’exploration. Les cultures populaires, miroirs d’une société consumériste, sont souvent sollicitées à des fins critiques. Qu’il détruise le mobilier basic d’une salle à manger en panneau de particule pour le recoller, reproduit sur mur, à l’agrafeuse, des chutes d’Icare d’artistes maniéristes inconnus du XVIe siècle, brûle un salon de jardin en résine ou orne de plumes bigarrées les restes des ailes d’un pigeon naturalisé, c’est le geste plus que la forme qui bien souvent l’intéresse. L’oeuvre est l’espace d’un acte esthétique dont l’apparence même est née d’une violence implosée. L’oeuvre produite sur place, intitulée Nikey, contient à la fois l’esprit du lieu grâce à ses multiples facettes de miroir et renvoie à l’univers contemporain de la fiction peuplé de héros fantastiques. Tel un masque en ruine, la forme fantomatique semble s’effondrer dans un sourd chaos.
Vincent Mauger, né en 1976 à Rennes et vivant près de Nantes, aime à osciller entre dessin et mise en volume. Son travail porte sur la représentation, en deux ou trois dimensions, de la perception mentale d’un espace. Ses installations constituent une sorte de croquis se déployant dans l’espace. En travaillant le plus souvent à partir de matériaux de construction ordinaires (brique, bois, tuyau en PVC), l’artiste met en parallèle les techniques de construction avec les techniques d’imagerie virtuelle ou scientifique, cherchant des similitudes entre ces deux systèmes. Avec ses propositions qui prennent corps dans un espace bâti, Mauger invite le visiteur à se les approprier, à s’y déplacer, à redessiner à sa guise les contours d’un paysage ou d’une forme construire, à l’habiter physiquement et mentalement. Ici, l’oeuvre qui prend appuie sur l’architecture même se déploie à partir des points de forces symboliques de la chapelle : choeur et piliers. Le dessin coloré tendu obliquement de bas en haut découpe le volume. Les sangles tombent comme des coulées de peinture qui viennent strier verticalement l’espace que le visiteur est à traverser.
L’oeuvre de Lara Almarcegui, née en 1972 à Saragosse (Espagne) et vivant à Rotterdam (Pays-Bas), est ici présentée en contrepoint des trois propositions pensées pour le site anianais. L’artiste espagnole analyse généralement d’une manière très personnelle certains contextes architecturaux et urbanistiques. Levantar el asfalto (2004) rend compte d’un geste mécanisé d’une précédente intervention réalisée à Madrid en 2003. Dans une galerie au sol dallé, l’artiste avait elle-même retiré puis réinstallé à l’identique le dallage ancien (Explorando el suelo, Sala Moncada de la Caixa, Barcelona). Ici, au format de la même surface, l’asphalte est retiré au sein d’une grande halle, puis recoulé à “l’identique”. Le geste de l’artiste s’affirme dans cet entre-deux, traversant le monde sans rien bâtir sinon l’explorer.
La proposition de réunir ensemble à Aniane ces quatre artistes sera suivie d’un second rendez-vous qui se tiendra en Bretagne du 6 février au 21 mars 2010, à Trédrez-Locquémeau. Passant d’une vaste chapelle du XIIIe et XVIe siècle d’une petite ville viticole du sud de la France, à une villa du début XXe perchée au coeur d’une pinède sur la côte de Granit rose, Bragigand, Debombourg et Mauger ont été invités à réfléchir chacun à un projet d’une oeuvre double, c’est-à-dire à créer une oeuvre qui puisse prendre possession et position différemment d’un lieu à l’autre pendant les deux volets de l’exposition.
Chez ces artistes, à partir d’une observation minutieuse de la réalité la plus élémentaire, la plus pragmatique, l’oeuvre est souvent le territoire d’un devenir, le déplacement d’un geste, le lieu d’un événement, une métamorphose en suspens, que le passage d’un espace à un autre rendra compte comme le cours des événements au travers le battement d’aile d’un papillon.
Jean-Michel Jagot, commissaire de l’exposition
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