Ann Veronica Janssens
du 05.07 au 31.07.2013
Église Saint-Honorat des Alyscamps, Arles
L’insaisissable
Le clocher de Saint-Honorat des Alyscamps surplombe depuis au moins quinze siècles une nécropole attestée dès l’Antiquité avant d’être une des plus célèbres d’Occident à l’époque médiévale. Elle fut d’abord construite pour préserver la mémoire d’un saint martyr, Genès, enseveli aux Alyscamps, puis celle de Saint Honorat, évêque d’Arles.
Dans l’église, l’artiste Ann Veronica Janssens répand un brouillard artificiel dont l’invisibilité n’a d’égale que celle des âmes mortes assemblées à cet endroit, dans l’attente du Jugement Dernier et au plus près des reliques saintes, afin de profiter de leur ascension triomphale pour, empruntant la lanterne des morts, accéder avec elles au paradis.
La lumière naturelle filtrée par les vitraux révèle la présence effective de ce brouillard invisible. L’assimilation entre lumière naturelle et lumière divine, au principe des cathédrales gothiques, est ici comme la trace insaisissable et muette d’une très longue histoire des croyances et des pratiques.
Le génie du lieu ayant été honorée, il importe aussi de considérer en elle-même l’œuvre de l’artiste qui, de façon éphémère et discrète, l’habite. À distance des références théologiques et spirituelles, le travail sur et avec la lumière est, pour elle, depuis plus de trente ans, une expérimentation s’effectuant selon des modalités diverses, dans un dialogue fécond et incessant avec l’architecture. La mise en scène de l’invisible, de l’insaisissable et de l’immatériel n’y sont donc pas des échappatoires vers un arrière monde mais des dispositifs purement physiques permettant notamment une exploration des limites de la perception. De telles installations ouvrent sur un faisceau d’interrogations auxquelles les réponses anciennes, malgré un pouvoir de séduction qui peut être grand, sont désormais invalides ; les plus récentes, tributaires du rythme des avancées scientifiques, proposent moins de certitudes que d’hypothèses dont quelques artistes, parmi lesquels Ann Veronica Janssens, s’emparent pour donner à entrevoir sur leurs marges, la constellation infinie au sein de laquelle le fonctionnement de notre univers demeure encore mystérieux.
Patrick Talbot
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